[Arrivée] Terres étranges

Si j'avais pu croire un jour que je serais moi-même amnésique, je me serais collé une pince à linge dans le dos pour ne jamais l'oublier. Seulement voilà, j'étais sans pince à linge, et sans souvenirs. Je me suis réveillé quelques instants plus tôt, et là je fais les 100 pas devant une foutue porte de bois sur un gros socle de marbre, genre église gothique, plantée en plein milieu d'un champ. Enfin pas mal grand le champ parce qu'il n'y a que ça à perte de vue.

A mon réveil ça a été un peu dur quand même. La tête écrasée sur le sol, comme assis sous le cul d'un éléphant géant, la migraine qui va avec et le gout pâteux du réveil moisi dans la bouche...et pas de clope. Bordel si j'avais su j'en aurais bourré quelques cartouches au fond de mes poches, mais là, j'en ai pas une seule, je suis relativement frustré. Et quand je suis frustré, faut que je tape. Mais j'ai eu beau donner de joyeux coups de savate dans la porte, rien n'a bougé, pas de réponse, j'ai tapé avec la main le pied, le genou, j'ai juré et taquiné, mais rien. Alors je suis là, devant elle, assis sur les marches, à me demander ce que je peux bien faire. A priori la question est conne puisqu'à part me casser, il n'y a logiquement pas beaucoup d'options.

Quand même c'est assez dingue. A part mon nom je ne sais rien d'autre, enfin si j'ai des images fugaces qui s'impriment sur la rétine avant de disparaitre sans me laisser le temps de les voir, et j'ai beau savoir comment je m'appelle, je ne me rappelle de rien, pas mon enfance, pourtant je sais que j'ai été heureux quand j'étais jeune, je suis sur d'avoir eu des parents, et des adorables, mais impossible de dire qui ils sont et à quoi ils ressemblent. C'est comme connaître un mot, l'avoir sur le bout de la langue et pas être capable de le vomir. C'est presque une torture. Enfin bon...toujours est-il que je suis toujours là, toujours à taper, marcher, m'ennuyer. Et comme je vois pas l'intérêt de rester là...je pense que je vais tracer ma route, à travers cette plaine. Parce que vu la taille du champ, on va appeler ça une plaine.

Voyons voir. En face de la porte y'a rien, ou un simili d'odeur d'embruns. J'aime pas la mer. J'ai toujours eu un faible pour l'eau douce par contre. Sinon derrière y'a des montagnes, à sa gauche que dalle, et à sa droite pareil. Bon ben, voyons voir d'où vient le vent. Ah, direction la montagne. Et merde, reste donc que ce chois là...en tout cas ma veste est largement supportable, le vent n'arrête jamais on dirait.

Il y a peut être aussi cette impression de bonne santé, de condition parfaite. J'avais un mal de crâne terrible, il s'est volatilisé. Soyons confiants, en marchant droit devant je ne devrais pas tarder à tomber sur quelqu'un qui pourra m'expliquer où je suis...

Pour la petite histoire, je m'appelle Lucca, Lucca Scorcese, et vous ne saurez rien d'autre. Mais c'est pas ma faute.